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Aventures au pays du canard laqué.

Mercredi 11 septembre 2013 à 16:14

Le 2 septembre, aux alentours de 18 heures, Pékin, du Campus de Fort Fort Lointain.

La Chine et les machines à eau.

Les Chinois semblent avoir une relation toute particulière avec les machines à eaux (à comprendre ici, machines usuelles que nous utilisons quotidiennement comme les douches, les toilettes ou les machines à laver) que nous n'en finissons pas de découvrir.

La première découverte fut celles des toilettes, très souvent toilettes à la Turque (elles sont toutes comme ça dans mon campus) mais comme l'indique leur nom, ces toilettes n'ont rien de typiquement chinois. L'absence chronique de papier toilette non plus, si je me souviens bien. La présence, quelque rares fois, de papier en dehors de la cabine semble déjà plus se rapprocher de la coutume chinoise, ainsi que l'indiqueront nos futures expériences. Mais là encore, on fait presque la danse de la victoire quand il y a du papier, donc rien de traumatisant dans l'expérience toilettique en Chine. (Je précise que je n'ai jamais mis les pieds dans les toilettes publiques sur lesquelles circulent toutes sortes de rumeurs horribles).

Les machines à laver furent les suivantes sur la liste et la rencontre fut haute en couleur. Si la machine en elle-même est tout à fait normale, le choix du programme est tout simplement impossible. Une chinoise - parlant tellement bien le français que nous complexons sur le notre - nous traduit les programmes et leur coût. C'est décidé, nous laverons nos draps fraîchement achetés au marché sur le programme le plus long et le plus chaud. Nous insérons quatre fois notre carte dans le lecteur à côté de la machine à laver, démarrant ledit programme. Juste que là aucun souci. 50 min plus tard, nous sortons nos draps et décidons de les sécher – c'est le programme n°1 de la machine. Alice insère de nouveau sa carte mais loupe le coche. Elle l'insère successivement quatre fois en espérant retourner sur le programme n°1 mais la machine, de son propre chef, s'est remise en action. Nous voilà donc reparties pour 50 min de lavage ! Mais on en rigole, au moins nous les aurons lavé ces draps, et plutôt deux fois qu'une. C'est cependant avec un léger stress que nous passons à nouveau la porte du « Laundry » 50 min plus tard, dans l'intention de retenter le programme de séchage. Cette fois, c'est moi qui insère ma carte et je clame haut et fort, persuadée d'avoir compris le système, que si problème il y a, j'en prends la responsabilité. J'insère ma carte une fois (pour le programme n°1) et attends les 5 secondes réglementaires... Suspense insoutenable, puis la machine se met en marche ! Nous partons pour un troisième lavage ! Dans le feu de l'action, Alice arrache les draps de la machine dans laquelle l'eau s'écoule déjà à flot. On tente par tous les moyens d'arrêter le programme mais bien sûr, cela semble impossible et même si ça l'était on n'y comprend rien. L'étudiant chinois qui entre dans la salle en parlant anglais nous apparaît comme le Messie : on s'agrippe quasiment à lui en lui demandant en anglais d'arrêter la machine, à grand renfort de gestes et d'exclamations. Tous ceux qui sont à l'extérieur nous entendent et plusieurs Chinoises accourent. Notre Messie n'a malheureusement pas de révélation, et nous nous tournons aussitôt vers les Chinoises qui viennent d'entrer pour laver leur linge. On leur baragouine qu'on a démarré une machine mais qu'on ne veut pas s'en servir (oui, on paraît un peu folle) et donc qu'elles doivent s'en servir pour ne pas gaspiller l'eau, principe écologique oblige. Elles obtempèrent après quelques instants et nous consacrons enfin notre attention à nos draps : ils sont à nouveau trempés et nous sommes bonnes pour les sécher à la vieille école, en les étendant sur nos balcons alors que le soir tombe.

Conclusion : il nous faudra encore un peu de temps pour apprivoiser la bête qu'est la machine à laver chinoise.

Le summum fut quand même la découverte de la douche, la plus bizarre des machines à eaux. Là, on monte d'au moins trois niveaux dans l'échelle de l'illogique. Je vous explique.

Les dortoirs sur notre campus sont divisés en 4 bâtiments : hommes chinois, hommes étrangers, femmes chinoises, femmes étrangères (détrompez-vous, nous ne sommes pas en Afrique du Sud et ce n'est pas l'apartheid...). Dans le bâtiment des femmes étrangères, 4 étages (correspondant aux années d'études différentes, je crois). A chaque étage, une unique douche. En apprenant ça de la part de la géniale étudiante chinoise qui nous a fait visiter le campus, Lucie, l'idée me traverse qu'une douche, ce n'est vraiment pas beaucoup pour tout un couloir d'étudiantes. Ce problème est pourtant relégué aux bas fonds de la liste de mes (mauvaises) surprises quand je vois la douche en question.

Au départ, je me demande si je ne suis pas face à une œuvre d'art contemporain. Après tout, j'ai visité il y a moins d'une semaine le 798 Art District de Pékin, qui expose des artistes chinois modernes et avant-gardistes. Mais devant l'enthousiasme de Lucie, je comprends que non, c'est bien une douche dans laquelle on va se laver, un objet technique, utilitaire, et non un objet d'art. La confusion vient non pas du design (la douche n'est pas particulièrement stylée ni artistique) mais bien du fait qu'elle semble n'avoir pas été créée pour qu'on puisse se doucher dedans.

Premier problème, prévisible car connu, le sol est plat, pas de « bac ». Résultat, on inonde la salle de bain à chaque fois qu'on prend une douche. Embêtant mais supportable.

Deuxième problème, un peu plus chiant : là où il est censé y avoir un rideau garantissant un peu d'intimité, c'est le vide intersidéral. Il y a seulement les trois côtés de la douche et puis rien, sinon les miroirs au-dessus des lavabos qui décuplent mon air renfrogné à l'infini. Rien qui ne puisse s'arranger pense-t-on cependant, il suffit qu'ils posent une tringle ou quelque chose du genre et qu'ils mettent un rideau. C'était il y a trois jours, nous avons fait trois demandes et obtenu trois « oui », mais toujours pas de rideaux. Mais là encore, on s'en sort : la porte de la salle de bain ferme à clé. En s'enfermant on bloque l'accès aux toilettes (qui, parce que tout est très bien foutu, se trouvent dans la même pièce) mais au moins on prend notre douche tranquille.

Non, ce qui dépassa complètement notre sens de la logique et nous laissa sans solution, fut d'une part l'absence d'écoulement des eaux (aucun siphon dans la douche pour évacuer les eaux, le sol est lisse et plat comme celui de ma chambre) et l'absence de robinet. Oui oui, vous avez bien entendu, pas de robinet. A ce stade, complètement dépassée, je me tourne vers ma nouvelle camarade chinoise. Elle se dirige vers le ballon d'eau chaude qui jouxte les parois de la douche, à l'extérieur. Le robinet se trouve juste en dessous. Cette douche ne confère donc pas une capacité divine à faire couler l'eau (j'y aurais presque cru), il faut sortir de la douche à chaque fois qu'on l'on veut ouvrir ou fermer le robinet. Ça veut dire actionner l'eau au début quand on est sec mais aussi sortir pour fermer le robinet quand on est trempé ou ressortir pour rouvrir le robinet quand on est plein de shampoing. Le summum du pratique. Ajoutez par là-dessus l'air curieux de Lucie qui se demande quel est mon problème – pour elle tout est tout à fait normal, voire mieux car je peux, contrairement à elle, régler la température de ma douche.

 

La conclusion : cette douche n'a certainement pas été pensée pour qu'on se douche dedans. Par contre, les éléments semblent concorder vers l'hypothèse que le concepteur voulait qu'on y meurt noyé lors d'une inondation.

Finalement, je mettrai sans doute encore un certain temps à m'adapter aux machines à eaux du campus de Fort Fort Lointain. Mais on s'habitue à tout, même au plus bizarre.

 

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